Le Rivage des Âmes ~ Sortie le 24 août

D’ici quelques jours seulement, j’aurais le plaisir de vous faire découvrir mon nouveau roman, à paraître dans la collection Snark de Bragelonne ! « Coupés du monde »,  le premier tome de ma nouvelle série « Le rivage des âmes » (et appelé « Petrichor » lors de son écriture !), sera disponible dès le 24 août 2016, à la fois en version numérique et en version papier. Vous pouvez d’ailleurs retrouver dès maintenant une nouvelle page pour le roman, ici-même sur le site, avec tous les liens pour le commander !

En attendant, pour célébrer cette sortie, j’ai décidé de vous mettre l’eau à la bouche offrir une petite surprise ! Quoi de mieux pour vous inviter à découvrir le roman que d’en parcourir quelques pages ? 🙂 Voici donc pour vous, en avant-première, le tout début du premier chapitre de « Coupés du monde », en espérant qu’il vous plaira !

J’ai hâte de lire vos retours sur ce roman, et surtout de vous laisser découvrir ce monde qui me tient particulièrement à cœur, aux côtés de Petrichor et Calame, ces chasseurs de fantômes que tout oppose !

 

 Coupés du Monde ~ Chapitre Premier

Un seul coup d’œil dans le rétroviseur m’informe que Lucy boude. Ses petites joues rougies, ses yeux verts et limpides me lançant des éclairs, et sa moue morose trahissent son ressentiment.

— Je n’en aurai pas pour longtemps, Lucy. Et puis tu aimes bien passer du temps chez Mila, tu le sais.

Silence. La meilleure arme au monde, et ma fille de quatre ans la maîtrise déjà à la perfection.

Sous une pluie torrentielle, je navigue parmi les résidences colorées du quartier touristique. « Pour toujours me sentir en vacances », a plaidé ma sœur lorsqu’elle a fait l’acquisition d’une maison idyllique en bord de mer. Volets bleu ciel, murs rose bonbon, planches de surf et patio donnant sur l’océan. Le rêve. Son rêve, du moins. Le mien consiste davantage en un appartement au dernier étage d’un gratte-ciel interminable, où rien ni personne ne peut m’atteindre. Avec visiophone et beaucoup de verrous. Mais nous n’avons pas vu les mêmes choses, heureusement. Je m’en assure à chaque instant, quitte à essuyer les bouderies de Lucy.

Lorsque je me gare enfin sous le porche, Mila nous attend déjà devant la porte ouverte. Comment un simple détail peut-il paraître si accueillant ? Je me le demande en jetant un regard vers l’intérieur chaleureux, où je peux apercevoir la lumière tamisée d’un feu qui brûle dans la cheminée. Ma culpabilité s’érode d’un pouce ; même en colère, Lucy sera bien, ici. Après tout, Mila et son compagnon sont sa seconde famille, un peu plus chaque jour.

Une fois sortie de la voiture, Lucy se précipite à la rencontre de sa tante, pour venir s’agripper à ses cuisses. D’une main tendre, j’effleure la chevelure blonde de ma fille, rajuste sa natte en lui souriant. Comme avant chaque mission, j’aime contempler ce pour quoi je me bats. Malgré son chagrin, Lucy finit par se jeter à mon cou quand je m’agenouille pour la prendre dans mes bras. Après un dernier baiser, elle s’enfuit à l’intérieur, retrouvant déjà ses marques.

— Combien de temps, cette fois ?

La voix de Mila me tire de mes pensées. Je me relève en époussetant mon pantalon noir d’un geste distrait.

Je répète comme un peu plus tôt :

— Pas longtemps.

Au moins une promesse que je pourrai tenir.

— Je pars dès ce soir, je devrais arriver en pleine nuit. Nous avons prévu quatre jours, cinq tout au plus.

Mila hoche la tête. L’éclat inquiet de ses yeux ne colle pas avec son sourire.

— Tout ira bien, je sais déjà ce que nous allons trouver, la rassuré-je.

Un mensonge, cette fois, mais il a l’avantage de l’apaiser un peu.

Comme je l’ai fait pour Lucy, je passe une main sur les cheveux de ma sœur, puis l’attire contre moi. Je ne manque aucune occasion de serrer ceux que j’aime contre mon cœur. On ne sait jamais de quoi demain sera fait.

— Fais attention, Pietro, murmure-t-elle contre mon oreille en me rendant mon étreinte.

— Toujours.

*

Après une demi-heure de route, je me gare sur le petit parking privé d’un immeuble qui ne paiae pas de mine. « Agence Nationale d’Investigation et de Défense Animalière, » clame une enseigne dévorée par les ombres. Officiellement, l’ANIDA œuvre à la protection écologique, par tous les moyens imaginables. Pourtant, ceux d’entre nous qui participent aux activités plus discrètes de la branche que nous sommes venus à surnommer affectueusement « le Nid » défendent les droits d’une toute autre espèce.

Quelques marches me mènent à l’entrée de service. Une porte dérobée émet un petit « bip » quand j’accole mon badge au système d’ouverture, puis s’écarte sans un bruit. Une autre série d’escaliers à peine éclairés m’entraîne jusqu’au deuxième sous-sol. Je traverse un couloir froid, exempt de toute décoration, une coursive semblable à n’importe quelle entrée de cave. Enfin, après une autre porte de sécurité, je me retrouve dans un sas sombre. Le battant se referme derrière moi. Je patiente quelques secondes, mon souffle pour seul compagnon, résonnant à mes oreilles. Quand la fermeture hermétique est vérifiée par l’une de ces machines auxquelles je ne comprends rien, la seconde porte s’ouvre et dévoile l’effervescence qui agite l’étage.

Malgré l’heure tardive, le Nid bourdonne d’activité.

— Bonsoir, Petrichor.

— Bonsoir, Claudie. Tout va bien ?

Nul n’oserait prendre pour une simple hôtesse d’accueil la jeune femme aux formes aussi généreuses que son regard est sévère, assise derrière le long bureau face à l’entrée. De ce point stratégique, Claudie surveille les allées et venues de ses agents.

— Pour le moment, répond-t-elle comme à chaque fois que je lui pose la question.

À croire qu’elle s’attend à ce que la situation dégénère à tout instant. Peut-être n’a-t-elle pas tort de se méfier.

— Le dossier complet t’attend à la Ménagerie. Nous avons aussi prévu un véhicule particulier, pour te rendre sur les lieux.

— Je pouvais très bien me servir de ma voiture.

— J’aimerais tout autant que tu arrives avant l’Apocalypse, commente-t-elle en parcourant quelques feuillets avant de me les tendre, un léger sourire étirant ses lèvres pleines.

— Tu vas faire de la peine à mon pauvre bolide.

— Ton pot de yaourt, tu veux dire.

Je hausse les épaules. Elle marque un point : ma vieille Fiat 500 d’époque a vu des jours meilleurs. Je parcours les papiers brièvement avant de me mettre en route.

— La Ménagerie est de l’autre côté, me taquine Claudie tandis que je m’éloigne vers un couloir.

Après un petit salut ironique par-dessus mon épaule, je continue mon chemin. La mission peut bien attendre quelques minutes.

Le court trajet jusqu’à l’autre bout des locaux me paraît pourtant interminable. Je m’arrête sans cesse pour saluer des collègues ou répondre aux questions de quelque nouveau venu. Même en tenue de civil, il faut croire que mon visage sérieux me donne des airs de vétéran.

Parmi le dédale des couloirs, j’aperçois enfin un visage familier, au sourire distrait. Celui d’un homme à la mise sobre et aux cheveux blonds ébouriffés, qui se tourne vers moi lorsque je l’interpelle.

— Antan, est-ce que tu as vu Saccharine ?

— Elle récupère à l’Antre.

— Tout va bien ?

— À peu près. Le sillon était délicat.

— Merci.

Je reprends mon chemin, une pointe d’inquiétude aiguillonnant mon cœur. Il est rare d’avoir besoin de se remettre plus de quelques heures après une mission. Même si certaines d’entre elles s’avèrent difficiles, peu d’entre nous restent longtemps à l’Antre, ce dortoir douillet mis à disposition des Sillonneurs. Rien ne vaut le calme et la sûreté de son propre chez soi.

Au début, j’ai eu du mal à m’habituer aux sobriquets de ces personnes que je fréquente chaque jour. Il n’est pas dans mes habitudes d’appeler les gens par un surnom, encore moins si je ne l’ai pas choisi moi-même. Pourtant, ici, par souci de discrétion et de sécurité, aucun d’entre nous ne connaît l’identité des autres employés du Nid. Personne hormis Claudie, qui garde ces informations précieuses sous clef, je ne sais où.

Après un autre sas, j’atteins ma destination. Cette partie du sous-sol est insonorisée, pour permettre aux agents de reprendre des forces sans la moindre distraction. Je retire ma vieille paire de Dr. Martens usées et la laisse à l’entrée, avant de me diriger au bout du couloir. Mes chaussettes frottent doucement contre la moquette épaisse. La porte s’ouvre sans un bruit sur une série de lits confortables, bien loin des lits de camp auxquels on pourrait s’attendre dans ce genre de dortoirs. Enfin, je l’aperçois.

Allongée sur le couchage le plus éloigné, Saccharine se repose, un bras en travers du visage. Ses cheveux blonds éparpillés sur l’oreiller captent la faible lumière des diodes disposées le long des murs.

Je m’approche sans un mot, observant la fine silhouette de mon amie sous le drap léger. À la façon dont son corps se tend lorsque je m’assois près d’elle, au bout du lit, je devine qu’elle ne dort pas. Ma main effleure sa cheville gelée.

— Si dur que ça ?

Un simple soupir me répond, puis elle acquiesce. Son bras retombe à ses côtés et Saccharine se redresse finalement pour venir m’enlacer longtemps, avant de s’installer contre moi, lovée autour de ma taille.

Mes doigts caressent son front pâle et j’y dépose un baiser.

— Je ne supporte pas ça, quand ce sont des enfants, avoue-t-elle. Et ils étaient deux…

Mon sourire l’apaise à peine. Saccharine sait que je ressens la même chose.

— Tu as réussi à les faire passer ?

— Oui, non sans mal. Le second a pris peur quand son frère est parti.

— Et le sillon ?

— Refermé. Petrichor…

D’un geste distrait, ma main parcourt une mèche dorée jusqu’à la pointe.

— Oui ?

— Claudie m’a dit que tu partais ce soir. Fais attention.

— Toujours.

— Non, je suis sérieuse. Je crois que je n’étais pas seule sur le coup.

— Tu veux dire qu’on aurait envoyé un autre Sillonneur ? Tu sais bien que c’est la juridiction du Nid, ici. Dans tout l’État, et même le suivant.

— Oui, je sais tout ça. Mais ce n’était pas un Sillonneur.

Mon sourcil relevé la pousse à continuer.

— J’ai trouvé un cube, dans la chambre que j’ai nettoyée.

— Tu l’as…

— Oui, je l’ai détruit. Je crois qu’un Rabatteur essayait de capturer ces gamins, mais qu’ils se sont montrés plus malins que lui.

— Tu l’as…

— Oui ! Je l’ai signalé à Claudie.

— Ce n’est pas la première fois que j’entends ça. Hyalin en a aussi trouvé un pendant sa dernière mission. Il est arrivé trop tard.

— C’est pour ça que je te mets en garde. Ça fait beaucoup de coïncidences.

Mon hochement de tête pensif ne la convainc pas.

— Je sais que tu pars pour plusieurs jours, Petri’. Alors si ça sent mauvais, mets les voiles.

— Promis.

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